dimanche 1 avril 2012

Prescription hors AMM et conflits d'intérêts : quel impact de la loi du 29 décembre 2011 sur la prise en charge de la douleur chronique ?

Dans la série "plus jamais ça", l'affaire de MEDIATOR® a grandement contribué à la promulgation par les pouvoirs publics d'une nouvelle loi [1], modifiant le contenu du Code de la Santé Publique (CSP). Cette nouvelle loi affiche un objectif clair : "renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé".


Trois dispositions impactent directement la prise en charge de la douleur chronique :

1/ Les modalités de prescription d'un traitement en dehors de son autorisation de mise sur le marché (cela peut être le cas dans le traitement de certaines douleurs, comme la douleur neuropathique) sont clairement définies par l'article L. 5121-12-1. du CSP :
  • "I. Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation, sous réserve : 1/ Que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans ; 2/ Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient.
  • II. Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont mises à disposition des prescripteurs.
  • III. Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, de l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et porte sur l’ordonnance la mention : “Prescription hors autorisation de mise sur le marché. Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite. Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient."

2/ Les associations constituées par des professionnels de santé pour améliorer la prise en charge de la douleur ne peuvent plus recevoir de dons de la part de l'industrie pharmaceutique, du fait de la modification de l'article L4113-6 du CSP :

"Est interdit le fait, pour les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du présent code et pour les membres des professions médicales mentionnées au présent livre, ainsi que les associations les représentant, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Est également interdit le fait, pour ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages."

  • Par contre, les professionnels de santé (et leurs associations) peuvent continuer à recevoir des rémunérations pour des travaux de recherche et des évaluations scientifiques sur la douleur :
"Toutefois, l'alinéa précédent ne s'applique pas aux avantages prévus par conventions passées entre les membres de ces professions médicales et des entreprises, dès lors que ces conventions ont pour objet explicite et but réel des activités de recherche ou d'évaluation scientifique, qu'elles sont, avant leur mise en application, soumises pour avis au conseil départemental de l'ordre compétent et notifiées, lorsque les activités de recherche ou d'évaluation sont effectuées, même partiellement, dans un établissement de santé au responsable de l'établissement, et que les rémunérations ne sont pas calculées de manière proportionnelle au nombre de prestations ou produits prescrits, commercialisés ou assurés. Il ne s'applique pas également aux avantages prévus par conventions passées entre des étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du présent code et des entreprises lorsque ces conventions ont pour objet des activités de recherche dans le cadre de la préparation d'un diplôme."

  • Ils peuvent également toujours bénéficier d'invitations en congrès scientifique sur le thème de la douleur :
"Il ne s'applique pas non plus à l'hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique lorsqu'elle est prévue par convention passée entre l'entreprise et le professionnel de santé et soumise pour avis au conseil départemental de l'ordre compétent avant sa mise en application, et que cette hospitalité est d'un niveau raisonnable et limitée à l'objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation et n'est pas étendue à des personnes autres que les professionnels directement concernés. Il en va de même, en ce qui concerne les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du présent code, pour l'hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, aux manifestations à caractère scientifique auxquelles ceux-ci participent, dès lors que cette hospitalité est d'un niveau raisonnable et limitée à l'objectif scientifique principal de la manifestation."


3/ Enfin, cette loi entend renforcer la transparence des liens d'intérêts entre les professionnels de santé et l'industrie pharmaceutique (voir article de mon blog), grâce à la publication d'une déclaration d'intérêts, citée dans l'article L. 1451-1. du CSP :

"Elle mentionne les liens d’intérêts de toute nature, directs ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant sa prise de fonctions, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions ou de l’organe consultatif dont il est membre ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs. Elle est rendue publique. Elle est actualisée à l’initiative de l’intéressé."

  • Malheureusement, à ce jour, le modèle de déclaration d'intérêts, commun à toutes les autorités de santé publiques, n'est pas encore disponible…
Article L. 1451-3. du CSP : "Les conditions d’application du présent chapitre, et notamment le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts, les conditions dans lesquelles elle est rendue publique ainsi que ses modalités de dépôt, d’actualisation et de conservation, sont fixées par décret en Conseil d’Etat."


Référence