mardi 24 avril 2012

La douleur chronique à l’épreuve du photomaton ?

L’imagerie du cerveau est à la mode. Grande est la tentation d’en faire un outil de diagnostic de la douleur chronique : enfin les patients pourraient prouver qu’ils ont bien quelque chose ; enfin les systèmes d’assurance maladie pourraient avoir la preuve objective de la douleur de leurs assurés. En quelques clichés, le diagnostic de syndrome douloureux chronique serait ainsi confirmé et son intensité évaluée… Science fiction ?



La revue Pain (Elsevier) publie une courte synthèse [1] sur la place potentielle de l’imagerie cérébrale dans un contexte de douleur chronique, en mettant en balance les données les plus récentes de la science et des considérations d’ordre éthique.


C’est un fait, d’un point de vue purement théorique, l’imagerie cérébrale de la douleur pourrait rendre des services pour :
  • Optimiser les traitements médicamenteux (efficacité et sécurité) en étudiant la réponse cérébrale;
  • Diagnostiquer la douleur chez les personnes non-communicantes;
  • Personnaliser la prise en charge, médicamenteuse et non médicamenteuse, élaborée « sur mesure » en fonction des réponses individuelles;
  • Améliorer la prise en charge médico-économique, en validant les données de l’évaluation clinique (subjective).

Par contre, le risque d’erreur et/ou de mauvais usage semble important, ce qui peut avoir des conséquences très néfastes :
  • En cas de faux négatif : refus de traitement, conséquences psychologiques et socio-économiques, perte de confiance entre le patient, les soignants et l’entourage;
  • En cas de faux positif : traitement inutile voire dangereux chez des patients non-communicants;
  • Dans tous les cas : mauvaise utilisation des ressources humaines, matérielles et financières mises à dispositions par les autorités de santé.

A ce jour, les données actuelles de la science ne sont pas suffisantes pour définir un ou des « bio-marqueurs » cérébraux permettant de dépister et de quantifier la douleur chronique. Le seront-elles un jour ? Est-ce à souhaiter ? Rien n’est moins sûr… Vouloir réduire l’évaluation d’une expérience individuelle subjective multidimensionnelle à la lecture de quelques clichés d’imagerie : est-ce bien raisonnable ?

Référence
1. Davis KD, Racine E, Collett B. Neuroethical issues related to the use of brain imaging: Can we and should we use brain imaging as a biomarker to diagnose chronic pain? Pain 2012, http://dx.doi.org/10.1016/j.pain.2012.02.037