mercredi 11 avril 2012

Clonazépam (RIVOTRIL®) : un sevrage dans la douleur ?

Les nouvelles conditions de prescription et de délivrance des formes orales de clonazépam (Rivotril®) sont rentrées en vigueur le 15 mars 2012 (voir article de mon blog). Presque 1 mois plus tard, quelles sont les conséquences à l'échelle de la population française d'un tel sevrage de masse ? Difficile de répondre à cette question…


Au cours de de mon activité clinique je rencontre plusieurs situations :
  • Majoritairement des sevrages progressifs qui se déroulent sans grande difficulté pour peu que la prise en charge de la douleur, médicamenteuse ou non médicamenteuse, soit optimisée dans le même temps.
  • Dans certains cas, aucun sevrage n'est mis en place, soit parce que le patient a fait des réserves (à la dose de 5 gouttes par jour, un flacon dure 3 mois…) et ne souhaite en aucun cas arrêter, soit parce que les pharmaciens d'officine en sont restés aux règles définies en août 2011 (prescription pour 28 jours sur ordonnance sécurisées). Ces situations peuvent constituer de véritables bombes à retardement, surtout si les patients comptent sur les neurologues pour obtenir des prescriptions en dehors de l'épilepsie…
  • Dans d'autres cas, le sevrage est réalisé dans de mauvaises conditions et a des conséquences sur l'état de santé des patients. Ce fut le cas récemment pour un des patients que je suis, chez qui la prise de 30 gouttes de clonazépam (depuis plusieurs années) a été remplacée brutalement par celle du plus faible dosage (25 mg le soir) de prégabaline (LYRICA®). Conséquence immédiate : syndrome de sevrage sévère, avec irritabilité majeure, et reprise rapide du clonazépam. Nous avons ensemble mis en œuvre un nouveau sevrage plus progressif, comme recommandé par l'AFSSAPS [1].

En guise d'illustration concrète, voici (avec son autorisation, je l'en remercie) le courrier que Monsieur Christian HAGER, habitant Obernai (67), vient d'adresser au Ministre de la Santé :

Monsieur le Ministre,

Par la présente, j’ai l’honneur d’attirer votre attention sur le cas de ma mère, une personne âgée de 86 ans (…). Elle s’est vue prescrire du Rivotril, pendant des années par son médecin traitant. Aujourd’hui, son état de santé se dégrade, du fait qu’elle ne puisse plus prendre ce médicament. Ce médicament étant exclusivement réservé depuis février 2012 aux personnes souffrant d’épilepsies et uniquement prescrit par des neurologues. Les médicaments de substitution se sont montrés à ce jour, totalement inefficaces pour atténuer le bien être que procurait à ma mère, le Rivotril. D’autre part, il est totalement impossible de consulter un neurologue pour ce problème : délais d’attente plus de 6 mois, carnets de rendez-vous surchargés, les neurologues ne veulent pas entendre parler du Rivotril.

Ma mère qui était alerte, vaillante, qui arrivait à se déplacer, est aujourd’hui dans un état de santé lamentable. Elle n’arrête pas de trembler et se déplace avec un déambulateur depuis qu’elle ne prend plus ce médicament. Je ne comprends pas que la médecine ne soit pas capable de faire la part des choses et qu’elle ne tienne pas compte de l’efficacité et de l’accoutumance créée par un médicament chez une personne âgée de 86 ans ? Pourquoi les services qui sont à l’origine de l’interdiction de la prescription du Rivotril par les médecins généralistes n’ont-ils pas encadré les conséquences du manque de ce médicament chez certains patients âgés. Je considère ma mère en danger, sa santé est très altérée et je vous demande assistance pour ce problème.


Dans l’attente d’une action et d’une réponse de vos services à ce problème, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma considération très respectueuse.

Une chose est sûre, le sevrage du clonazépam (RIVOTRIL®) ne se fait pas toujours sans douleur ! Problème important : les recommandations diffusées par l'AFSSAPS [1] semblent insuffisamment connues des professionnels de santé et donc insuffisamment utilisées, et ce sont les patients qui en payent directement le prix… Mobilisons-nous pour les diffuser, et au plus vite !

Référence
1. AFSSAPS. Clonazépam (RIVOTRIL®) per os utilisé hors AMM (notamment dans la douleur, les troubles anxieux et du sommeil) - Pourquoi et comment arrêter ?