dimanche 8 avril 2012

Etre opéré, ça peut faire mal, et pour longtemps !

Nous sommes en 2007 dans la ville de Tromsø, située dans le nord de la Norvège : les habitants sont invités à participer à une grande enquête destinée à évaluer la prévalence de la douleur chronique [1]. Au total, 12982 habitants ont pu être recrutés : parmi eux, 32,7% ont déclaré une douleur chronique, c’est-à-dire une douleur « persistante ou constamment récurrente depuis au moins 3 mois ». Ce chiffre correspond globalement aux autres études de grande ampleur réalisées en Europe : environ 1 personne sur 3 souffre de douleur chronique…




Parmi les 12982 personnes interrogées, 2043 avaient subi une intervention chirurgicale il y a plus de 3 mois et moins de 3 ans. Parmi ces 2043 personnes :
  • 40,4% (soit 826 personnes) présentaient toujours des douleurs dans la région opérée. Cette fréquence était plus importante en cas de chirurgie des membres (62,4% soit presque 2 cas sur 3) qu’en cas de chirurgie du tronc (24,6% soit environ 1 cas sur 4) ;
  • 18,3 % (soit 373 personnes) présentaient des douleurs modérées ou sévères. Dans les autres cas, les patients présentaient au plus une douleur d’intensité faible ;
  • 24,5% (soit 501 personnes) présentaient une hypoesthésie (perte de sensibilité) et/ou une hyperesthésie (sensibilité accrue) dans la zone de la cicatrice : ces éléments cliniques font évoquer la présence de douleurs neuropathiques.

Curieusement, seuls 51% des 826 patients opérés et douloureux ont répondu « oui » à la question « présentez-vous une douleur persistante ou constamment récurrente depuis au moins 3 mois ? ». La moitié des patients présentant une douleur au moins 3 mois après une chirurgie n’avait donc même pas conscience de présenter une douleur chronique…


Dans cette étude norvégienne, la douleur chronique post-opératoire est donc :
  • très fréquente (2 personnes opérées sur 5), surtout après chirurgie des membres
  • parfois sévère (1 personne opérée sur 15)
  • manifestement sous-estimée (1 personne sur 2 n’a pas conscience de présenter une douleur chronique)

Sauf à considérer que les habitants de Tromsø sont différents des autres européens, ces résultats donnent à réfléchir avant d’envisager un geste chirurgical ; l’information du patient sur les risques de douleur chronique post-opératoire apparaît en tous cas primordiale pour obtenir un consentement réellement éclairé…

Référence
1. Johansen A, Romundstad L, Nielsen CS, Schirmer H, Stubhaug A. Persistent postsurgical pain in a general population: prevalence and predictors in the Tromsø study. Pain 2012, http://dx.doi.org/10.1016/j.pain.2012.02.018