jeudi 17 mai 2012

A la recherche des antalgiques du futur

La couverture du numéro de mars 2012 du magazine "La Recherche" affiche un objectif ambitieux : vaincre la douleur. Pour ce faire, le mensuel d'actualités scientifiques propose 2 pistes de travail : repérer les molécules les plus efficaces et mobiliser nos morphines internes… Un dossier de 15 pages propose au lecteur de lutter contre certaines idées reçues, de mieux connaitre les voies de la douleur, puis d'espérer le développement de nouveaux médicaments. Voici ma lecture de ce dossier :


Pas de nouveau médicament depuis 20 ans…
La recherche biomédicale n'a pas réussi à développer de nouvelle classe médicamenteuse à visée antalgique, malgré des espoirs fondés sur la recherche animale. Aujourd'hui, les chercheurs se posent beaucoup de questions sur l'intérêt des modèles animaux, puisqu'un grand nombre de molécules efficaces chez l'animal n'a finalement eu aucun effet antalgique chez l'homme. Les comportements observés chez les rongeurs lors des études cliniques sont-ils vraiment la traduction d'une douleur ? Rien n'est moins sûr et le doute est plus que semé... Autre piste de réflexion : certaines molécules, jugées inefficaces sur de grandes populations, pourraient finalement l'être chez certains patients : il s'agirait juste d'identifier les patients répondeurs plus précocement. Reste à en apporter la preuve en reprenant les résultats d'un nombre considérable d'études...

Un nouvel espoir (bientôt déçu ?)
Dans la famille des endorphines, les enképhalines font l'objet d'un intérêt croissant. Ces molécules sont naturellement secrétées par l'organisme et ont un effet antalgique puissant. Problème : leur effet ne dure que 20 secondes car elles sont rapidement détruites par des enzymes (dites enképhalinases), elles-aussi naturelles, afin de préserver la fonction de signal d'alerte de la douleur aiguë. Depuis plus de 20 ans, la création d'un inhibiteur des enképhalinases est donc dans les cartons : elle permettrait de mimer les effets de la morphine en évitant ses effets secondaires. Après plusieurs échecs, un nouveau candidat (le PL37) semble se démarquer du lot : il augmente expérimentalement le seuil douloureux chez la souris (après injection d'un produit algogène dans la patte) et n'aurait aucun effet secondaire chez l'humain volontaire sain (étude de phase I). Là encore, le principe est séduisant, mais aucune étude n'a encore confirmé l'action antalgique du PL37 chez l'homme : il est bien trop tôt pour s'enthousiasmer…

Et les approches non médicamenteuses ?
Si ce dossier s'attache surtout à l'innovation médicamenteuse et à la recherche biomédicale sur la douleur, il laisse peu de place aux approches psychosociales. Tout juste le rôle des émotions est-il évoqué, mais c'est rapidement pour le réduire à des aspects neurochimiques et à des images d'IRM fonctionnelle… Pourtant, en l'absence de révolution médicamenteuse, les 20 dernières années ont été marquées par l'explosion des études sur l'efficacité des approches psychocorporelles. Le lecteur pourra regretter que l'hypnose, la sophrologie, les thérapies cognitives et comportementales (…) ne soient même pas citées alors qu'elles correspondent aux attentes d'un grand nombre de patients. La recherche sur la douleur ne peut être réduite à de la chimie, le "bio" peut aussi soulager la douleur : la façon la plus naturelle de sécréter des enképhalines n'est-elle pas l'activité plaisir ?