samedi 29 septembre 2012

500€ pour prendre en charge la douleur chronique : remboursé, pas remboursé ?

Dans un précédent article de mon blog, je me suis positionné pour le remboursement, dans certaines conditions, des approches psychocorporelles de la douleur chronique. Afin d'illustrer cette proposition, voici un billet de 500€ :




Face à un syndrome douloureux chronique, ce billet de 500€ peut être dépensé de plusieurs façons. Le tableau ci-dessous compare 6 stratégies thérapeutiques, certaines efficaces à court terme, d'autres à long terme : 3 sont remboursées par l'assurance maladie, les 3 autres ne le sont pas. Toutes ces approches bénéficient d'un niveau de preuve d'efficacité, certes plus ou moins important selon les cas, mais bien réel. Cherchez l'erreur (ou plutôt les erreurs)…




Pour en savoir plus

samedi 22 septembre 2012

Guide des 4000 médicaments : les antalgiques sont-ils utiles?

Trois jour après sa parution, j'ai eu du mal à trouver l'ouvrage "Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux", publié aux éditions Cherche Midi par les professeurs de médecine Bernard Debré et Philippe Even. Une grande chaine de librairie m'a même précisé qu'il était déjà en rupture… signe d'un succès programmé ? Ayant finalement pu acheter un exemplaire grâce à la grande distribution, voici ma "fiche de lecture" de ce livre, qui fait déjà couler beaucoup d'encre et user les touches de bon nombre de claviers...




Les bonnes nouvelles
  • 60% des médicaments sont efficaces. Cette donnée est la vraie bonne nouvelle du livre : 3 médicaments sur 5 sont classés E1 (excellente efficacité), E2 (grande efficacité) ou E3 (bonne efficacité).
  • 100% des molécules antalgiques présentes sur le marché sont utiles. Au sein des chapitres "anti-inflammatoires et antalgiques", je me suis intéressé aux 7 molécules suivantes : paracétamol, codéine, tramadol, morphine, hydromorphone, oxycodone et fentanyl. Toutes sont classées E2 (grande efficacité), sauf les opioïdes dits faibles (codéine et tramadol), classés tout de même E3 (bonne efficacité). Le paracétamol, la codéine, la morphine, l'oxycodone et le fentanyl obtiennent qui plus est le label de "médicament indispensable"…
  • Les médecins et l'industrie pharmaceutique doivent travailler ensemble pour faire progresser la recherche. Les auteurs rappellent que ces liens sont essentiels et ne doivent pas être remis en cause. Les rémunérations qui en découlent sont tout à fait justifiées.

Les mauvaises nouvelles
  • 50% des médicaments sur le marché sont inutiles, soit parce qu'ils sont peu ou pas efficaces (40% des molécules autorisées), soit parce qu'il s'agit de pâles copies de médicaments existants. Les auteurs qualifient ces derniers de "me-too" ("moi aussi je peux le faire") et explique leur développement par un inquiétant déclin des capacités d'innovation des services de recherche et développement des principaux laboratoires pharmaceutiques, surtout français… Ces "me-too" concernent globalement la moitié (24 sur 46) des médicaments antalgiques du marché.
  • Le développement des nouveaux médicaments se heurte à un cumul médical des mandats : ce sont souvent les mêmes médecins qui sont à la fois rémunérés par l'industrie pharmaceutique pour coordonner des recherches sur leurs médicaments ou pour former leurs collègues lors de colloques organisés par la même industrie, mais aussi décideurs dans les commissions d'autorisations des médicaments par les pouvoirs publics. De sorte que certains médecins sont à la fois "juge et partie". Les auteurs citent même en page 72 les noms de 11 médecins experts auprès des pouvoirs publics, et souvent présidents de commissions, qui détiennent chacun 36 à 43 contrats avec l'industrie pharmaceutique et qui devraient être, je cite "écartés manu militari"
  • Les 5% de médicaments potentiellement très dangereux sont pris en charge par l'assurance maladie dans 75% des cas. Si certains d'entre eux sont par ailleurs très efficaces, donc utiles, d'autres cumulent inefficacité et dangerosité… A méditer, puisque 100 000 hospitalisations par an sont directement liées à des accidents médicamenteux. A quand une véritable réflexion bénéfice-risque ?

Les dérapages (contrôlés ?)
  • Une méconnaissance totale des traitements non médicamenteux, qui amène les auteurs à de curieux amalgames. Médicaments inefficaces, sophrologie, pépins de courge, méditation zen, vaudou, crapauds des sorcières de McBeth, scientologie, mésothérapie, samba brésilienne (pour n'en citer que quelques-uns…) sont tous rangés (page 183) dans la même catégorie "rites, danses et gris-gris" ! Inventaire à la Prévert ou (savant ?) mélange de torchons et de serviettes : en tous cas rien de très scientifique…
  • Un déni total des maladies émergentes (page 184), sortes d'hystéries collectives, "qui n'existent dans aucun traité de médecine" (sic) et qui seraient de pures fabrications de l'industrie pharmaceutique pour conquérir de nouveaux marchés… Parmi les accusés : le mal de dos, la fibromyalgie, les jambes sans repos… donc un grand nombre des syndromes douloureux chroniques rencontrées dans la vraie vie. De quand datent les traités de médecine des auteurs ?

"Au service des malades (en gros caractères) et des praticiens (en petits caractères)" : telle est la (double) cible affichée sur la couverture de cet ouvrage de plus de 900 pages… A vous de juger…




samedi 15 septembre 2012

Les 4 piliers d’une consultation de la douleur chronique

Chaque département français dispose d’au moins une consultation d’étude et de traitement de la douleur chronique, dont la mission est de contribuer, aux côtés des soignants de première ligne, à la prise en charge des patients présentant un syndrome douloureux chronique. Le fonctionnement de ce type de structure est décrit dans une instruction du ministère chargé de la santé (voir article de mon blog) : la prise en charge globale du patient y est assurée par une équipe pluri-professionnelle, composée au minimum d’un médecin, d’une infirmière, d’un psychologue et d’une secrétaire.




L’annexe 5 de l’instruction de 2011 liste un certain nombre de « technicités » qui peuvent être mises en œuvre au sein des consultation d’étude et de traitement de la douleur chronique, sans cependant se positionner sur les technicités « obligatoires ». A mon sens (et la suite de cet article n’engage que moi), les professionnels doivent pouvoir déployer au minimum :
  1. Une expertise en termes de prise en charge médicamenteuse de la douleur chronique, notamment pour ce qui est des douleurs neuropathiques ;
  2. Une éducation thérapeutique à la neurostimulation transcutanée (qui n’est à ce jour prise en charge par l’assurance maladie que sur prescription et suivi d’une consultation de la douleur chronique) et un suivi de la stimulation médullaire (éventuellement en lien avec un centre implanteur, voir article de mon blog);
  3. Une des approches suivantes : relaxation, sophrologie, hypnose ; l’apprentissage de ces approches permet au patient de recourir par lui-même à un moyen de gestion non médicamenteux de la douleur ;
  4. Une approche cognitive et comportementale structurée, destinée à améliorer les capacités à faire face à la douleur chronique (voir article de mon blog), donc le sentiment d’auto-efficacité du patient.

Il est bien évident que ces 4 piliers n’ont pas forcément d’intérêt chez tous les patients, mais leur recours doit pouvoir être proposé, notamment pour répondre à chaque situation individuelle et aux évolutions sociétales en termes d’attentes des patients (voir article de mon blog). Ces stratégies thérapeutiques peuvent s’envisager en individuel et/ou en groupe, selon la situation, dans une optique d’autonomisation progressive. Elles méritent par ailleurs de faire l’objet de démarches d’évaluation des pratiques professionnelles (voir article de mon blog), pour une amélioration continue du service rendu.

D’autres « technicités » peuvent évidemment s’avérer nécessaire : cependant, à mon sens, ces 4 piliers permettent de répondre aux besoins d’une grande majorité des patients adressés à une consultation d’étude et de traitement de la douleur chronique. Dans l’optique d’une égalité des chances face à la douleur chronique, une harmonisation des pratiques au niveau national, basée sur le déploiement systématique de ces 4 piliers fondateurs, représente une priorité…

samedi 8 septembre 2012

Fibromyalgie : le volume de l’ampli est à fond !

La très célèbre « Mayo Clinic » américaine publie régulièrement de courtes revues de la littérature scientifique destinées aux professionnels de santé. L’une de ces « concise review for clinicians » a été consacrée en 2011 à la physiopathologie de la fibromyalgie.

Au regard des données actuelles de la science, les auteurs considèrent que cette physiopathologie est de mieux en mieux comprise : de plus en plus de travaux de recherches tendent à prouver que les douleurs diffuses chroniques, symptômes principaux de la fibromyalgie, sont d’origine neurologique. Pour preuve, plusieurs médiateurs chimiques facilitant la transmission du message douloureux sont présents en quantité anormalement élevées dans le système nerveux, tandis que d’autres neuromédiateurs inhibiteurs sont présents en quantité anormalement basse. Les voies ascendantes (transmission du message douloureux) et descendantes (contrôle) de la douleur fonctionnent donc de façon anormale, comme si « le bouton volume de la douleur était en permanence tourné au maximum ».



Les anomalies constatées sont par ailleurs très variables d’une personne à une autre, ce qui explique qu’aucun traitement n’est capable d’agir chez l’ensemble des patients présentant un syndrome fibromyalgique. Comme pour l’hypertension artérielle, un projet thérapeutique personnalisé doit être mis en place, ce qui nécessite souvent d’essayer plusieurs approches.




Globalement, les auteurs de cet article considèrent que les douleurs de la fibromyalgie résultent d’une amplification anormale du signal douloureux, influencée par des facteurs individuels (voire génétiques) et environnementaux. Ils recommandent l’utilisation des métaphores du « réglage du volume de la chaine-hifi » et du « traitement de l’hypertension artérielle » par les professionnels de santé, pour une meilleure communication avec leurs patients.

samedi 1 septembre 2012

Vivre avec des douleurs musculaires chroniques : efficacité d’un groupe de TCC

La prise en charge médicamenteuse des douleurs musculaires chroniques, notamment diffuses, est souvent décevante [1-3] et les patients sont de plus en plus en demande d'approches non médicamenteuses (voir article de mon blog). Le développement de ces approches est une priorité des plans gouvernementaux de lutte contre la douleur [4] et de santé publique [5]. Cela passe par l'amélioration du niveau de preuve d'efficacité, et donc par la réalisation d'études cliniques (voir article de mon blog).

La consultation d’étude et de traitement de la douleur chronique (voir article de mon blog) au sein de laquelle j’exerce a souhaité élargir son offre de soin en développant en 2012 un programme intégratif basé sur les approches cognitives et comportementales. Ce programme a pour nom VIADOMUS, ce qui signifie « Vivre Avec des Douleurs MUSculaires ». Son objectif principal est d’augmenter le sentiment d’auto-efficacité du patient face à la douleur chronique. Il utilise des questionnaires destinés au suivi clinique (objectivation par le patient et les soignants des progrès accomplis). Si le patient l'accepte, les questionnaires ainsi remplis font l'objet d'une analyse statistique pour étudier l'impact global du programme.

Le premier programme a intégré 8 patients, qui ont tous accepté que leurs questionnaires soient analysés statistiquement. Les premiers résultats de l’étude VIADOMUS viennent d’être présentés sous forme de poster au 14e congrès mondial sur la douleur (Milan, Italie, 27 au 31 août 2012).




Le critère principal mesuré par cette étude était le sentiment d’auto-efficacité, mesuré par le Pain Self-Efficacy Questionnaire (PSEQ) : en fin de programme (M3), le PSEQ avait augmenté de 64%. Trois mois après la fin du programme (M6), le PSEQ augmentait même de 72% par rapport au début du programme (M0), ce résultat étant statistiquement significatif (t test de Student pour groupes appariés < 30 sujets).





Concernant les critères secondaires de l’étude :
  • Diminution de l’intensité douloureuse de 14% à M3 - 18% à M6
  • Diminution des contractures musculaires de 13% à M3 - 21% à M6
  • Diminution de l’anxiété de 25% à M3 - 37% à M6
  • Amélioration fonctionnelle de 28% à M3 - 18% à M6
  • Augmentation des capacités de détournement d’attention de 14% à M3 - 24% à M6
  • Stabilité des besoins médicamenteux à M3 et M6




Les groupes de TCC sont encore peu fréquemment proposés aux patients français [1,5] présentant des douleurs musculaires chroniques, surtout du fait d’un manque d'études réalisées sur le territoire français, où les théories psychanalytiques restent très influentes (les preuves d’efficacité de la TCC sont surtout issues d'études anglo-saxonnes). Cette étude pilote apporte de l’eau au moulin et tend à confirmer l’intérêt de telles approches intégratives pour améliorer le sentiment d’auto-efficacité des patients français.

Références